L’inceste… On en parle, et puis on oublie. C'est ce que déplore l'anthropologue Dorothée Dussy, auteure d'une grande enquête sur ce sujet tabou : à chaque affaire, les chiffres sont publiés, on se scandalise, et puis rien n’est fait pour que cela change. L’inceste est l’interdit universel des sociétés humaines selon Levi-Strauss. Pourtant, d’après les statistiques, qui ne datent pas d’hier, « deux à trois enfants par classe de CM2 seraient victimes d’inceste. »
Pour Dussy, la pratique « courante et tolérée malgré l’interdit légal, social et moral » de l’inceste est une forme de socialisation : c’est l’apprentissage au sein de la famille que les ainés ont un pouvoir absolu sur les plus jeunes. Non, la plupart des incesteurs ne sont pas pédophiles. Pas particulièrement attirés sexuellement par les enfants, ils considèrent simplement leur progéniture comme un moyen facile et à portée de main de satisfaire leur libido et d’asseoir leur position dominante.
Les entretiens menés avec des incesteurs et avec des victimes montrent bien que ce n’est pas l’inceste qui est tabou mais le fait d’en parler. Les criminels évoquent leurs actes en parlant de « jeux », « d’initiation », « d’amour »… Et évacuent tout questionnement sur l’impact qu’ils peuvent avoir sur leurs victimes. Les victimes ont besoin de temps, parfois de se souvenir, mais surtout pour mettre le mot sur ce qu’elles ont subi.
Enfin, Dorothée Dussy souligne comment nos lois protègent les incesteurs (et les violeurs). D’une part, s’ils n’avouent pas, il est très difficile, voir impossible pour les victimes de faire la preuve de ce dont ils les accusent. Alors qu’au Canada, on considère que si la victime porte plainte des années plus tard, ce n’est pas pour nuire à son agresseur mais à guérir.
D’autre part, la distinction entre agression sexuelle (délit) et viol (crime) se fonde sur l’acte de pénétration ou non. La sanction dépend du degré de plaisir procuré par l’acte. Par exemple, faire une fellation à un enfant est moins grave que de lui en imposer une… Pourtant, cela ne change rien pour la victime.
Une lecture qui dérange… l’ordre établi et remet en cause la domination adulte.
J’ai découvert cet ouvrage en écoutant le très important podcast « Et peut-être une nuit » de Charlotte Pudlowski.
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